
C’est un nouveau rebondissement dans un dossier qui n’en manque pas. Alors que l’offre de reprise du groupe de presse en difficulté Nice-Matin par ses salariés semblait faiblir, faute de financements, une négociation de dernière minute avec Bernard Tapie était en passe d’inverser la tendance, mercredi 8 octobre, à quelques heures de l’heure limite de dépôt des offres.
Ce scénario a de quoi surprendre : le propriétaire de La Provence avait certes été un temps l’allié du projet de SCIC porté par les salariés, mais il avait finalement choisi de mener sa propre offre. Une offre violemment rejetée par le syndicat (CGT) des rotativistes niçois, vent debout contre son projet de mutualisation des imprimeries entre Marseille et Nice.
Les opérations financières de M. Tapie restent soumises au regard de la justice, qui a placé une partie de ses biens sous séquestre dans le cadre de sa mise en examen dans l’affaire de l’arbitrage Tapie-Crédit lyonnais.
Il n’empêche : dans une lettre adressée par son conseil juridique, mardi 7 octobre, et que Le Monde a pu consulter, M. Tapie constate que « la SCIC est en voie de réussir son projet de reprise avec des conséquences sociales sans concurrence » et annonce que « La Provence ne formalisera pas d’offre de reprise mercredi ».
En revanche, M. Tapie « s’engage à soutenir à titre personnel le financement de l’offre de la SCIC à hauteur d’une somme de huit millions d’euros ». Mais il n’entrera pas au capital : cet investissement lui permettrait de récupérer le rentable Corse-Matin (actuellement codétenu par La Provence et Nice-Matin).
Intervention possible de la Caisse des dépôts, hésitation des collectivités
Cette intervention est un tournant dans le plan de financement que montent les salariés et qui pourrait dépasser, à terme, les quinze millions d’euros. En effet, outre les 8 millions promis par M. Tapie (4 immédiatement et 4 après la vente de 50% de Corse-Matin), les salariés espèrent désormais une intervention de la Caisse des dépôts, sous forme d’avance remboursable. Cela viendrait s’ajouter aux deux millions d’euros issus des organismes de l’économie sociale et solidaire (la Socoden et la Sifa).
Le projet s’appuie également sur 500 000 euros issus d’une souscription publique et deux millions d’euros qui seraient apportés par les salariés eux-mêmes (renoncement au treizième mois de rémunération et autres apports).
Enfin, la Région Provence - Alpes - Côte d’Azur s’est engagée à hauteur de deux millions d’euros, sous forme d’avance remboursable. Cet engagement, désormais ferme, doit être confirmé par un vote de l’assemblée régionale le 17 octobre.
La balle reste dans le camp des deux barons UMP Christian Estrosi, maire de Nice et président de la Métropole Nice - Côte d’Azur, et Eric Ciotti, président du conseil général. Mardi, ils ont signé une lettre conjointe pour justifier leur refus de soutenir le projet de reprise, arguant qu’« une aide sous forme d’acquisition de titres participatifs encourt des risques sérieux de remise en cause de sa légalité ». Une analyse juridique contestée par les salariés, pour qui les titres participatifs ne constituent pas une aide publique, mais un investissement de type obligataire.
Trois autres offres probables
Quel que soit le soutien des collectivités, le projet, qui repose sur 169 départs volontaires, n’aurait pas à financer de licenciements, à la différence des autres offres. Les journalistes restants renonceraient également à utiliser leur clause de cession une fois acté le changement d’actionnaire.
Les salariés ont par ailleurs veillé à crédibiliser leur projet, conscients des préjugés défavorables que peuvent subir les Scop ou les SCIC. Ils bénéficient du conseil juridique du cabinet SEH Légal, spécialisé dans l’accompagnement des entreprises, et travaillent désormais avec Yann Chapellon, actuel directeur de la diversification et du développement des recettes de France Télévisions et ancien cadre des groupes Sud-Ouest et Le Monde.
Cette offre devrait donc être formellement déposée, mercredi 8 octobre, sous réserve de recueillir l’accord de toutes les catégories de personnel.
La principale offre concurrente est celle du consortium Nice-Matin Avenir, qui rassemble les groupes Rossel, Marzocco et Iskandar Safa. Selon nos informations, cette offre sera améliorée au plan social, avec 376 postes supprimés, contre 428 précédemment. Le consortium revendique un investissement immédiat de 30 millions d’euros, avec quinze alloués au financement du plan de départ et quinze pour les autres charges et les premiers investissements.
Xavier Ellie, l’éditeur de Paris Normandie, devait également déposer une offre, dont le financement repose notamment sur une large cession d’actifs. Enfin, Georges Ghosn, le précédent propriétaire de La Tribune et de France Soir, reste dans la course, avec un projet consistant à réduire le nombre d’éditions à cinq pour se concentrer sur les grandes aires urbaines du littoral. M. Ghosn a évoqué à l’AFP un plan d’investissement de treize millions d’euros, en partie financé sur la valeur du siège, et sur 239 départs.
L’audience devant le tribunal de commerce est prévue lundi 13 octobre.
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