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A Bosc-Roger, dans le sillage de Maxime Hauchard, bourreau présumé de l’EI

Dans la petite commune normande de Bosc-Roger-en-Roumois, Maxime Hauchard, dit Al-Faransi, ne se démarquait que par sa « gentillesse ».

Par  (Bosc-Roger-en-Roumois (Eure) – envoyé spécial)

Publié le 18 novembre 2014 à 10h24, modifié le 19 août 2019 à 14h16

Temps de Lecture 4 min.

Au quotidien monotone d’un bourg rurbain de l’Eure, l’Etat islamique a imposé la sidération. C’est bien Maxime, né le 17 mars 1992, garçon « gentil » et « sans histoire » à en croire ses anciens voisins, qui apparaît en bourreau, égorgeant un soldat syrien dans la dernière vidéo diffusée par l’organisation terroriste.

Maxime Hauchard, « Lalou », comme l’appelle affectueusement sa jeune sœur, a choisi comme nom de « combattant » Abou Abdallah, ou « Al-Faransi » (« le Français »). A 22 ans, la barbe fournie, le treillis militaire ajusté, il vient de commettre l’indicible au nom de la guerre sainte. Mais pour les 3 200 Rogebourgerons, c’est d’abord l’inexplicable qui s’est produit.

Les Témoins de Jéhovah, installés à Louviers, à quelques dizaines de kilomètres, ont bien tenté de faire du prosélytisme dans la région, l’islam radical, jamais. Certes, tout le monde savait que Maxime s’était converti. Sa barbe avait poussé. Et la djellaba qu’il arborait parfois ne passait pas inaperçue dans les rues du bourg. « Il allait de temps en temps à la mosquée d’Elbeuf », explique un proche. Mais ce n’est pas un lieu réputé radical et, comme le souligne justement une voisine de la famille, « les musulmans ne sont pas tous des criminels ». « Maxime n’a jamais été rebelle », se souvient le maire de la ville, Philippe Vanheule, dont l’un des fils l’a côtoyé à l’école.

Le jeune djihadiste a fait toute sa scolarité dans la région. D’abord à Bosc-Roger-en-Roumois, puis au collège à Bourgtheroulde, à quelques kilomètres. Sans anicroche. Le maire lui connaissait même une passion pour le cinéma. Noëlle, sa mère travaille à la Caisse primaire d’assurance maladie d’Elbeuf. En 2013, elle avait été décorée de la médaille du travail. Quant à Alain, son père, il est agent de maintenance dans la région.

Bosc-Roger – prononcez Bo-Roger – n’a rien d’un désert rural. Au cœur du bocage normand, à la frontière de la Seine-Maritime, la commune a vu sa population se multiplier par trois en trente ans, notamment après l’arrivée de la régie Renault dans la région, en 1968. Les travailleurs de l’agglomération rouennaise qui cherchaient un peu de campagne pour s’établir sont arrivés ensuite. Il s’y construit aujourd’hui une vingtaine de pavillons par an et la salle des fêtes est réservée pour les trois mois à venir. La famille Hauchard s’y est installée il y a plus de vingt ans.

La justice soupçonne Maxime Hauchard, dit Abou Abdallah Al-Faransi (à droite), de figurer parmi les bourreaux de la vidéo diffusée le 16 novembre montrant l'exécution de l’Américain Peter Kassig.

Avant de partir « enseigner le français » à Nouakchott en Mauritanie et de « faire de l’humanitaire » en Syrie, Maxime se plaisait à bricoler des mobylettes et ne s’était jamais fait remarquer, sauf pour sa gentillesse. Il a travaillé un temps chez Délices Pizza, à Bourg-Achard, une petite commune voisine. De quoi mettre quelques euros de côté. A peine une contravention routière pour non présentation d’assurance et délit de fuite semble venir troubler ce parcours immaculé.

Loin d’être le seul de la région

A Saint-Pierre-lès-Elbeuf, il trouve à qui parler de son intérêt pour l’Islam. Un intérêt cultivé par ailleurs, comme il l’a reconnu plus tard, par de longs surfs sur Internet. L’un de ses interlocuteurs, de deux ans son aîné, a été mis en examen début novembre et remis en liberté sous contrôle judiciaire. Font-ils partie d’une filière rouennaise ? C’est tout l’enjeu des différentes enquêtes judiciaires en cours. « Il est loin d’être le seul de la région à être déjà parti, assure-t-on de sources judiciaires. Ses voyages en Mauritanie ? Son départ en Syrie à l’été 2013 ? On ne le voyait plus depuis un moment », répond-on pudiquement à Bosc-Roger, ajoutant que « de toute façon, c’est la vie privée des Hauchard ».

Sa radicalisation était pourtant bien visible sur son profil Facebook, qu’il a continué à alimenter après avoir quitté la France. Il y poste des vidéos d’enfants victimes de la guerre en Syrie, raconte l’établissement de l’Etat islamique ou pose fièrement, arme de guerre à la main, en tenue militaire. « Ici, on n’est plus une organisation, on n’est plus Al-Qaida, on n’est plus une guérilla, on n’est plus cachés ; nous sommes un Etat », écrit-il en mai.

Bosc-Roger ne pouvait l’ignorer d’autant plus qu’il avait donné en juillet une interview à BFM-TV depuis Raqqa, en Syrie, où il exposait très clairement sa motivation : mourir en martyr. « J’ai appris il y a trois mois qu’il était recherché », indique le maire. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) elle, observe son parcours depuis 2011. Ce qui a permis au procureur de Paris, François Molins, d’affirmer lundi 17 novembre que Maxime Hauchard avait été déçu par ses voyages en Mauritanie, jugeant les enseignements religieux qu’il avait reçus « pas assez rigoristes ».

La maison familiale de Maxime Hauchard, à Bosc-Roger, dans l'Eure.

Ce lundi-là, l’humble pavillon qu’habitent les Hauchard depuis plus de vingt ans est resté clos. Comme une réponse pudique et habile à toutes les sollicitations médiatiques que la famille avait anticipées. A la demande du ministre de l’intérieur, les services locaux de la gendarmerie ont été sollicités pour assurer sa tranquillité. Celle-ci fut ainsi escortée de manière plutôt musclée quand, lundi en fin de journée, certains de ses membres, sont venus récupérer quelques affaires avant de quitter la ville et d’être probablement entendus par la DGSI.

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« Ce qui leur arrive pourrait arriver à n’importe quelle famille », soupire le maire, M. Vanheule. Est-ce le « vivre-ensemble » dont il a la charge qui a été touché de plein fouet par la dérive d’un enfant de la commune ? Ou s’agit-il d’un cas isolé ? La rumeur du bourg bruisse déjà qu’un autre jeune homme originaire de Bosc-Roger marcherait dans les pas de Maxime Hauchard.

« Basket, karaté, judo, danse… », égrène l’élu, décontenancé. « Je ne pense pas que la jeunesse soit désœuvrée ici. » Au mois d’octobre, détaille le dernier bulletin, la commune venait même de créer un conseil municipal des jeunes afin de « développer leur civisme » et les préparer à leurs vies « d’habitants de la cité ». « Et, on vient même de refaire le skatepark ! ».

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